Nuit d’ivresse
Tout y était en ce nouveau dix-huit novembre champelais, de l’invitée à la fine robe rubis aux notes légères et courte vêtue jusqu’aux canapés dressés de tulles multicolores aux teintes automnales pour nos mises en bouche.
Seule le halo de la lampe rouge éclairant l’asphalte nous avait indiqué de manière ostentatoire l’entrée de la salle des merveilles.
En dedans, trônaient sur les précieux présentoirs les fruits féminins défendus de nos convoitises masculines. Rubis et robes pourpres, parfums fruités exhalant des effluves de fruits rouges exacerbaient nos sens déjà excités d’impatience.
Le spectacle commencerait d’une minute à l’autre, chacun en ce lieu le savait et l’attendait. Et bien que pesait tant côté jardin que côté cour le lourd
silence de l’attente, cette ambiance figée délivrait comme le message d’une communion.
Certains impatients s’enhardissaient avant l’heure et de leurs doigts tremblants effleuraient déjà les mignonettes en tentant de faire chanter les
belles par de petits mouvements circulaires.
Seule la solennité de la soirée et de l’endroit on s’en doute leur évita le geste de trop qui aurait brisé à jamais le charme de nos soirées passées déjà consommées. L’événement était trop important en ce lieu qu’il fut trahi par un félon de passage, chacun se l’accordait.
Le premier coup de cloche figea tous les visages de la prestigieuse assemblée, les petits gestes circulaires s’arrêtèrent net, plus un bruit, un pas, un souffle, comme une petite mort d’un instant.
Le second coup de cloche fit prendre fin à ce temps en suspend. S’en suivi une sorte de résurrection des corps et des esprits trop longtemps contenus.
C’était comme un déluge d‘insurrections, une apocalypse de sens libérés ; les bonnes manières, les belles tenues et les convenances tombaient au champ du rencard.
A chacun sa chacune, l’un sautant sur l’autre au son des volées de cloches qui maintenant s’intensifiaient.
Ames perdues, lèvres éperdues, les belles robes rouges flirtaient dorénavant avec les transes du rythme des tam-tam débouchés.
Les
libidineux invités eurent tôt fait de goûter les canapés somptueux et de plonger corps et âmes dans de délicieux nectars divins. Dans cette mise en scène, l’acte se prolongea en bis répétita aux confins de cette nuit d’ivresse.
Seules la fin du répertoire des précieuses et l’extinction de la lampe rouge incantatoire purent mettre un terme à ce délice des sens.
Chacun, chacune, au son des pas sur le macadam champelais rentra chez soi tout empreint encore de ces images de feu et de foi se promettant entre deux brumes fantasque de répondre une nouvelle fois à l’appel d’un dix-huit.
Lolo